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De l’économie de l’information au conseil en stratégie : Nicolas Dupuis

Veltys Advisory Retail Grande Conso
Dans cette série de portraits, découvrez le parcours de docteurs en économie qui ont fait le pari du conseil pour avoir un impact plus grand. Passés de la recherche à la pratique, ils reviennent sur leurs trajectoires professionnelles et les choix qui les ont menés du laboratoire à l’accompagnement stratégique des COMEX.

Quel est ton parcours académique ? 

J’ai fait HEC. En dernière année, je me suis spécialisé en économie et j’ai particulièrement apprécié les cours de théorie des jeux et de microéconomie. 
J’ai ensuite fait un Master 2 à la Toulouse School of Economics, à l’issue duquel j’ai été pris en PhD. Mon doctorat portait sur des sujets d’économie industrielle et d’économétrie. 

Pourquoi t’es-tu orienté vers la recherche ? 

Pour l’intérêt intellectuel. Les cours de théorie des jeux et de microéconomie de dernière année d’HEC m’ont donné envie d’explorer plus en profondeur ces sujets et c’est en doctorat que je me suis trouvé un peu par hasard une nouvelle passion pour les travaux empiriques et l’économétrie. 

Ça a été assez difficile, je n’avais fait qu’une année d’économie, nous étions une centaine pour une quinzaine de places. C’était passionnant et la recherche apporte une véritable liberté. Il y a peu de limites aux sujets qu’on choisit de traiter même si les effets de mode sur les sujets les plus éligibles à la publication ou la concurrence peuvent jouer. 

Sur quels travaux portait ta thèse ? 

Ce n’est pas uniforme. J’ai travaillé sur quatre papiers de recherche qui vont dans des directions distinctes. Le principal est un article en économie de l’information, qui étudie des situations dans lesquelles des experts ont accès à des informations privilégiées et peuvent choisir de partager honnêtement leur avis ou non. L’objectif de la recherche est de déterminer dans quel cas les experts partagent leur avis de manière honnête et dans quel cas ils atténuent le message et se conforment à ce qu’attend leur auditoire (un peu comme dans un beauty contest). 

À titre d’exemple, on montre que les critiques de cinéma ont tendance à attribuer de meilleures notes lorsqu’un réalisateur gagne en expérience, et ce, pour un même réalisateur et à qualité de film donnée. 

Dans cet article – coécrit -, nous montrons que si l’avis de l’expert  joue également sur notre capacité à le vérifier, ce dernier a moins d’incitations à « dire la vérité ». C’est-à-dire que si un expert a suffisamment d’influence pour décourager les consommateurs (ou investisseurs, ou autres…) en cas d’avis défavorable, il aura naturellement tendance à donner plus d’avis défavorables quel que soit son avis véritable. Si on prend l’exemple d’un film, l’idée est qu’il y a moins de risque à donner un avis défavorable, car en le faisant l’expert convainc le public de ne pas le voir et ce faisant empêche qu’on challenge sa critique. 

Grâce à des données publiques disponibles en ligne couvrant l’ensemble des films sortis entre 1990 et 2010 et l’intégralité des critiques professionnelles sorties aux États-Unis, nous avons créé un modèle d’économie structurelle permettant d’estimer ces différents effets : capacité des critiques à anticiper la « qualité » des films, probabilité et intensité de la distorsion des messages. 

Nous avons reçu le prix du meilleur article écrit par des jeunes chercheurs pour ce papier, à l’occasion du meeting européen de la Société d’Économétrie (ESEM). 

Quelles sont les compétences que tu as développées et dont tu as eu besoin pour réussir ton doctorat en économie ? 

En premier lieu, l’autonomie et la capacité à « craquer » des sujets. Mais j’ai également développé des compétences en code. De fait, je n’avais jamais programmé avant le doctorat. 
J’ai appris à traiter les « vraies » données, c’est-à-dire celles qu’on trouve dans la vraie vie, avec des erreurs, des formats non homogènes, etc.

Enfin, la communication et la pédagogie. Une des difficultés de la recherche, c’est que l’on est un peu seul sur des sujets complexes et que l’on doit présenter à nos pairs. Bien que ces derniers travaillent également sur des sujets d’économie, ils font de la recherche sur des champs différents, il faut donc être en capacité d’éveiller leur intérêt, de les amuser, et leur permettre de comprendre comment notre travail contribue à améliorer la somme des connaissances de manière significative. 

Ça demande beaucoup de pédagogie et même de la combativité, car on est face à des gens extrêmement pointus avec un sens critique très développé et qui n’ont pas leur langue dans leur poche. Il s’agit d’enrichir ses travaux via la critique, en présentant son travail devant 50 autres chercheurs qui sont là pour challenger. C’est très formateur. 

En quoi cela t’aide-t-il dans ton travail actuel ? 

Dans la recherche, on a sa recherche à soi et on est constamment exposé à celle des autres, à travers des séminaires, des relectures de papiers d’autres chercheurs, pour donner un avis sur la publication. On a une vision assez large des possibilités offertes par les outils de l’économie et des statistiques. J’ai donc une très grande culture en économie et en statistiques. 
Il y a de nombreuses manières d’aborder des sujets et j’en ai vu beaucoup. 
Face à la problématique d’un client, je vais avoir un panel d’outils très large pour y répondre. C’est une vraie richesse. 

En rechVeltys Nicolas Dupuiserche, on rentre très en profondeur dans la compréhension des modèles statistiques, ce qui permet de connaître très vite les limites des modèles, le niveau de confiance et de proposer des solutions robustes. 

On est également amené à enseigner, ce qui m’a permis d’appréhender la pédagogie. Côté client, ça m’apporte le réflexe d’étayer mes propos avec des exemples concrets pour illustrer des mécaniques complexes. 

Comment la recherche a-t-elle influencé ta carrière ? 

Elle m’a poussé à choisir Veltys.

Chez Veltys, je retrouve le côté intellectuel et j’ai accès à des données très riches, plus faciles à collecter que dans la recherche. On intervient sur des sujets complexes, hyper intéressants. Je qualifierais ça de recherche sans les contraintes liées à la publication. Le temps est moins long : alors qu’en thèse, on compte 2 à 3 ans pour la rédaction d’un article (en tout cas dans mon cas !), un projet dure en moyenne 3 à 6 mois… 

Si tu devais le refaire, traiterais-tu tes travaux différemment ? 

Oui, je pense. Je n’aborderais pas mes travaux de la même façon. J’aurais plus de cordes à mon arc pour les présenter de manière plus impactante. 

Par ailleurs, j’ai appris en entreprise des pratiques plus professionnelles que celles qui étaient les miennes à l’époque de la recherche, que ce soit sur le code ou sur la manière d’explorer un nouveau jeu de données. Si je devais le refaire, je pense que je serais plus structuré sur la manière d’aborder mes sujets et que j’aurais également plus d’idées pour choisir mes sujets de recherche. 

Pourquoi avoir choisi de travailler pour un cabinet de conseil en stratégie et data science plutôt que de poursuivre une carrière universitaire ? 

Par hasard et parce que j’ai retrouvé chez Veltys l’intérêt intellectuel que j’appréciais en recherche. J’ai rencontré Philippe (Février) peu après avoir assisté à la présentation d’une de ses associées dans mon école doctorale. Il m’a parlé de Veltys qu’il venait tout juste de lancer. 

Et ça fait maintenant 10 ans !
Ce qui m’a séduit, c’est la proposition de Veltys qui mêle stratégie, data science et un cadre de pensée économique pour approcher les sujets de nos clients. C’est également une histoire de rencontre humaine. 

Quels aspects ne te manquent pas ? 

Les durées de rédaction très longues (et celles de publication encore plus) avec beaucoup d’allers-retours sur des points techniques pas toujours centraux.

La pression liée à la nécessité d’apporter quelque chose d’innovant alors qu’au même moment un chercheur d’une autre université travaille peut-être sur la même question. Toutes les semaines, on recevait une newsletter avec des titres d’articles en cours de rédaction. Je me souviens que je la lisais avec fébrilité. 

 

Nicolas Dupuis
Directeur Practice Retail & Grande consommation